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Il y a une vraie valeur ajoutée à voir se mêler la plume très dark fantasy de Vincent Tassy à l’approche splatterpunk de Morgane Caussarieu. D’autant que les deux auteurs se confient le fil de la narration de manière anarchique, finissant par brouiller les pistes, donnant naissance à une voix unifiée. Un peu à l’image de la série AMC, les romanciers veillent à respecter le cadre du texte original, ses temps forts, ses figures emblématiques. Jusqu’à se jouer de certaines lignes de dialogues qui en deviennent des gimmicks, à l’instar de Lestat quand il propose le Don Obscur. Si l’œuvre d’Anne Rice est au cœur du livre, ce n’est pas la seule référence que convoquent Morgane et Vincent. Ainsi, la tentative de Louis et Claudie de trouver d’autres vampires en Europe est-elle réinterpréter sous forme de collision de forme et de fond avec les débuts du Dracula de Stoker. Je dois avouer que c’est sans doute ma partie favorite de cet Entrevue choc avec un vampire. Les amateurs croiseront également des références à Buffy, une variation du personnage se confrontant plusieurs fois avec certains des protagonistes. (…) Reste que l’ensemble parvient à être à la fois respectueux d’Entretien avec un vampire, de l’œuvre et de la place de son auteur dans la production vampirique des 50 dernières années… et à tourner en dérision le style, les thèmes récurrents

MAUDE ELYTHER

Tout commence avec la rencontre inopinée entre un journaliste et un envoûtant androgyne… Évidemment, la trame d’Entretien avec un vampire est ici exploitée, mais admettez qu’un vampire diva qui se bat avec une personne âgée pour le dernier fer à friser du rayon, c’est plus que désopilant. Et le pauvre journaliste, adepte des tranches de vie pour son émission radio, en manque sérieux d’auditeurs, n’a pas idée de sa malchance à aborder ce bel inconnu. Car celui-ci le ramène chez lui pour lui raconter son histoire. Une histoire de deux siècles, un mélodrame domestique, de lamentations, de meubles anciens, de beaux éphèbes, d’une mère dominatrice, de Jésus, de Draculasse ou encore du mythe originel en la figure de Ceux Qui Peuvent Bronzer.Le journaliste a rencontré Jean Louis David, vampire superficiel, raciste, qui se pose en victime parfaitement permanentée alors qu’il retient contre son gré le journaliste. Ce dernier, qui pensait avoir flairé le sujet parfait pour son émission, va vite se rendre compte de son erreur. Il s’insurge de la mentalité de Jean Louis David, immuable depuis sa transformation, décroche de son récit dès qu’il parle de meubles, tente de lui ouvrir les yeux quant à sa relation toxique avec Richard… Mais rien n’y fait, il va devoir écouter jusqu’au bout le vampire clinquant, dans son appartement kitch. Toutefois, il n’est pas pressé qu’arrive le mot « fin », car son hôte lui a promis de le vider de son sang juste après. (…) Le tout est, comme je le disais plus haut, désopilant et émaillé d’absurde. Baroque et bling-bling, con aussi : c’est de l’humour à prendre au second degré. Si l’ensemble se trouve édulcoré, notamment à travers le regard plein d’étoiles de Jean Louis David (oui oui, comme dans les mangas shōjo), il s’agit d’humour noir ; comme mentionné au tout début de l’ouvrage, tous les trigger warning figurent dans ce récit. Au kitch du récit (les vêtements, les chevelures à la l’Oréal, les beaux mâles, les coups de foudre de collégienne de Jean Louis David etc), nous retrouvons la pattes de Morgane et de Vincent. Le côté « sale » de la seconde renaissance de Jean Louis David (qui est subjugué par ses excréments), la relation incestueuse… de Morgane : une touche extrême que ne dénigrerait pas Poppy Z Brite. Les jolis phrasés et les longues phrases de Vincent, ici en mode autodérison et kitch. Tout cela enrobe la figure du vampire, à travers plusieurs de ses représentations : du séducteur à la bête. Plusieurs types de vampires sont présentés et d’autres références sont citées. Draculasse (vieux vampire), Jésus le vampire (le gourou), un clin d’œil ironique à Twilight (dont Jean Louis David adore les paillettes, bien sûr). Mais qu’alors, qu’est-ce un vrai vampire ? Un vieux comte au style passé doté de dons ? Un sensuel gourou prêchant une morale ? Des adonis clinquants ? Une reine Qui Peut Bronzer ? Pour rendre hommage à Anne Rice, Vincent Tassy et Morgane Caussarieu ont rédigé ce roman à quatre mains, une parodie désopilante riche en références pop (Buffy, Dracula, Vampire Diaries, Twilight…) mais aussi mythologiques (les Atlantes). Humour noir à prendre au second degré, univers édulcoré et bling-bling, c’est avant tout une histoire d’amour, celle de Jean Louis David et de Richard, celle de Vincent et Morgane pour les vampires et l’œuvre de Anne Rice. Entrevue choc avec un vampire, c’est un joyeux mélange vampirique tourné en dérision ; alors que Jean Louis David cherche à gravir un piédestal, la figure du vampire est tournée en ridicule. Le récit est absurde, et tout ce baroque est jouissif. Se moquant des vampires à la Twilight tout comme des vampires conservateurs, le duo Morgane/Vincent livrent un style de vampire différent encore : superficiel, bête et niais.

FANTASY A LA CARTE

Dans Entrevue Choc avec un Vampire, les auteurs ont réinterprété à leur manière le trio de personnages mis en scène dans la version originale. Déjà, ils ont fait de Louis, un jeune castrat originaire d’Italie qui a francisé son nom en Jean-Louis David. Ce qui a le double intérêt de faire un clin d’œil au roman, La Voix des Anges d’Anne Rice mais aussi au coiffeur éponyme dont la coupe étudiée du vampire aurait sans doute ravi le maître des ciseaux si d’aventure le livre lui était tombé entre les mains. Ensuite, Lestat partage avec sa nouvelle version Richard Court de Lion, son insolente beauté doublée d’une indéfectible fougue. Enfin, Claudia a bien mûri sous les plumes impertinentes de notre duo d’auteurs puisqu’elle prend les traits d’une vieille femme noire à l’odeur nauséabonde. Si la gamine regrettait son apparence de poupée l’empêchant de séduire ses proies en accord avec la maturité de son immortalité, Claudie est soumise aux mêmes affres en raison de son physique repoussant et malodorant. Avouez que ce trio ne manque pas de charme surtout pour venir pimenter cette histoire que vous pensiez pourtant bien connaître mais comptez sur eux pour y mettre leur grain de sel. Si ce roman suit dans les grandes lignes le récit initial en prenant notamment le même point de départ, à savoir un entretien entre un journaliste et un vampire, il substitue quand même son ambiance feutrée par une atmosphère plus clinquante. Il faut dire que l’obsession du narrateur aux dents longues pour le beau mobilier y est sans doute pour beaucoup dans cette impression. De même que les deux livres partagent le modèle du road-trip vampirique dans lequel certaines péripéties du premier récit sont conservées, notamment en ce qui concerne l’évolution du relationnel qu’entretiennent les vampires entre eux. Néanmoins, on notera les quelques libertés scénaristiques prises par les auteurs qui leur sont nécessaires pour introduire les nombreuses références aux autres romans d’Anne Rice. On ne s’étonne donc pas de recroiser entre ces lignes, une certaine reine des damnés rebaptisée pour l’occasion mais qui parlera à bien des lecteurs, pas plus que de renouer avec l’origine atlante de notre créature surnaturelle préférée dont il est d’ailleurs question dans Prince Lestat et l’AtlantideSi la fascination accompagnait chaque mot d’Anne Rice danEntretien avec un VampireMorgane Caussarieu et Vincent Tassy ont poussé le curseur de la séduction encore plus loin en laissant leurs personnages succomber au plaisir coupable de la chair, s’exprimant parfois par l’intermédiaire de parades amoureuses des plus lascives. Le but étant de jouer au maximum la carte de l’autodérision et donner ainsi à ce nouveau texte toute la dimension ubuesque que les lecteurs viennent chercher ici. Tantôt drôle, tantôt absurde, Entrevue Choc avec un Vampire n’oublie pas pour autant d’y glisser quelques propos pertinents en nous rappelant, par exemple, le traitement déplorable des homosexuels au moment de l’émergence du sida en Occident.

AU PAYS DES CAVES DE TROLL

Les clins d’œil à l’univers des vampires dans la culture pop sont également très nombreux. On trouve plusieurs références à Buffy, que ce soit par le personnage de la tueuse, mais aussi au personnage de Drusilla et à son amour pour les poupées. Dracula est aussi présent dans l’histoire, tout comme des séries bien connues sur les personnes aux canines proéminentes. Toutes ces références sont savoureuses et bien amenées. Les auteurs parviennent à garder un style élégant tout en faisant dire de véritables horreurs à Jean Louis David. Le contraste est assez marquant et efficace. Dans la postface, les deux auteurs expliquent comment est née l’idée du roman et leur vécu par rapport aux romans d’Anne Rice. Leurs mots dans cette postface sont assez émouvants, j’ai beaucoup apprécié qu’elle figure à la fin du livre. Entrevue choc avec un vampire est ainsi un roman à l’humour caustique qui rend hommage à l’écrivaine Anne Rice. Morgane Caussarieu et Vincent Tassy ont suivi la trame générale des chroniques de vampires tout en les détournant avec second degré. Ben entendu, il vaut mieux aimer le genre et connaître les différents univers vampiriques pour pleinement goûter à l’humour de ce roman. 

LENA AU PUIT DES MOTS

À tous les fans d’Anne Rice, voici une perle à ajouter à votre collection. J’ai gardé cette parodie pour Halloween. Ce n’est pas de l’épouvante, mais par son sujet je le trouvais tout à fait dans le thème. Et puis, il me plaisait de découvrir ce côté décalé un jour comme celui-ci, en contraste avec tous les autres contenus effrayants. Pour l’avoir feuilleté un peu avant, je savais que j’allais beaucoup rire de l’œuvre de ce duo diabolique.Ce fut un pur délice du début à la fin. Les détournements en appelle à l’humour sous tous ses degrés et amènent l’œuvre face à elle-même avec beaucoup d’habileté. Si bien que je conseille aux lecteurs de ne pas s’arrêter à la lecture d’Entretien avec un vampire avant d’entamer celui-ci car les références sont loin de s’arrêter au premier tome. Or c’en est d’autant plus savoureux. Après tout cela, je crois que je ne verrai plus les salons de coiffure Jean Louis David comme avant…

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